Devil Cove, le 12 juillet 2013.
Si, comme les japonais, votre patron ne vous donne que 8 jours de vacances par an, l'année prochaine, n'hésitez plus: Prenez un avion et parachutez vous en 58°14' 087'' N/ 154°28'522 O. Attention, prenez vos skis car vous arriverez en juillet sur de magnifiques pentes enneigées puis glisserez vers Geograhic Harbor. Cette incroyable baie fermée naturelle ne laisse qu'un petit corridor aux bateaux pour s'y rendre. Les 7 mètres de large de Gwen Ha Du passent malgré tout aisément et nous voilà seuls, apparemment tout seuls car, rapidement, nous apercevons notre premier ours qui se ballade sur la plage à marée basse à la recherche de crabes dont il se délectera avec habileté, juste de sa chair. A Kodiak, des résidents nous ont beaucoup parlé des ours qu'ils cotoient en permanence: ne pas en avoir peur mais se méfier; cohabiter mais avec une arme; ne pas les effrayer mais faire du bruit pour ne pas les surprendre, bref! tout un comportement à apprendre. Et pourtant, nous voulons approcher ses fabuleuses bêtes, les plus gros grizzlis au monde. Il y en aurait 30 000 rien qu'en Alaska dont 27 000 noirs et 3 000 bruns. Nous ne verrons que des bruns; en effet, l'ancre n'est pas encore posée par 5 mètres de fond et 40 mètres du rivage que nous en voyons deux autres qui se prélassent dans l'herbe en bordure du sable. Nous ne semblons aucunement les inquiéter, même lorsque nous nous approchons en zodiac à moins de ...10 mètres, c'est à dire lorsque nous n'avons plus d'eau sous notre embarcation. Des photos comme s'il en pleuvait et le téléobjectif n'a pas besoin d'être bien puissant pour admirer ces carcasses , ces dentitions et griffes. Aucun prédateur pour eux dans le coin et ils le savent: nous sommes dans une réserve gigantesque et l'homme ne peut y chasser. Nous nous regardons de longs moments sans bruit, en voisins. Retour au bateau et départ de l'expédition vers le lac repéré sur la carte à environ 2 kms de marche en suivant la rivière. Notre but est de chercher ( et de pêcher) si le saumon que l'on nous dit tardif cette année a commencé à grimper en rivière pour pondre. Armé d'un lancer et ...d'une bombe à ours..., nous débarquons et, pas très fiers, commençons nore ballade en suivant un chemin ...d'ours bien sûr! Les quelques crottes qui jonchent le sol de ci de là ne laissent place à aucune question. Faire du bruit! Et ce sont 4 clampins qui entonneront à la fois de vieilles chansons de marins, de caldoches et égratignerons même en sifflant le fameux "Ah! çà ira, çà ira, les aristocrates à la lanterne..." comme si les plantigrades pouvaient s'émouvoir d'une bonne chanson patriotique. Nous n'irons en fait pas très loin , juste la moitié du parcours car nos protégés ont, sans doute depuis des millénaires, tracé ce chemin en traversant la rivière. Pas de saumons visibles, pas envie de se baigner... on rentre, la bombe toujours prête à être dégoupillée. Il s'agit en fait d'un spray style lacrymogène qui est réputé particulièrement efficace sauf: si ledit ours déboule à 40 kms/h pour vous charger ou ladite ours veut protéger son petit... Ensuite, si il ou elle vous charge, 2 options: soit c'est de l'intimidation et il stoppe à ras de vous et espère vous effrayer (tu parles) , soit il vous envoie une claque (une doit suffire). Là encore deux options: soit il est brun et il cache votre dépouille sous des branchages le temps que votre corps faisande un peu 2 à 3 jours avant de vous manger, soit c'est un ours noir et là il vous croque tout de suite. Il vaut mieux, parait-il, avoir à faire à un brun....Nous, on ne voit pas trop la différence !
Sur le retour en zodiac vers le bateau devant ces magnifiques paysages , ces cascades splendides qui coulent de la fonte des neiges éternelles, sur une mer d'huile et un soleil qui nous fait grand bien, nous apercevons 2 spécimens que nous aurions très bien pu croiser en marchant tout à l'heure et qui ont décidé en fin de journée de rentrer se coucher. Il est 17 heures, le soleil ne se couchera pas avant 1 heure du matin pour se relever à 5 mais nos deux compères veulent rentrer en longeant les plages et les rochers. Nous ne pouvons nous empêcher de nous approcher encore et encore et nous accompagnerons nos deux pépères durant plus d'une demie-heure de marche pour eux et de zodiac pour nous à une distance toujours comprise entre 10 et 20 mètres. Nul doute que si nous les avions , même un peu, dérangé, ils auraient bondi à l'eau , histoire de mordiller l'homo sapien, griffer la peau de notre zodiac et son moteur en marche. Mais rien! De façon routinière et imperturbable, ils suivent leur chemin, se mettant même parfois à nager à côté de nous lorsque les rochers sont trop abruptes. Nos appareils potos crépitent encore et encore, profitant de cette opportunité inouie. Un grand respect pour ces animaux mais , malgré tout, toujours et plus que jamais opposés aux quelque couillons qui essaient de réintroduire l'ours dans les pyrénnées. Sous ces magnifiques parures, nous avons là d'incroyables machines à tuer. PLus tard en soirée, nous aurons la visite à bord de Ryan, un bon américain de l'Orégon, sorti de nulle part, la trentaine, tatoué, qui, chercheur d'or dans son état, vient passer 4 mois dans ce coin, isolé de tout pour servir de guide de pêche à un tour opérator qui envoie parfois quelques touristes en hydravion, les routes étant bien sûr inexistantes et le voyage par bateau assez long... Il restera deux heures à bord nous prodiguant toutes sortes de conseils sur la pêche au Halibut dont nous restons imperturbablement bredouilles malgré notre permis de pêche. En fait, nous feindrons tous d'être hyper fatigués sans être bien loin de la vérité pour nous en débarasser... Mais même en me décrochant la mâchoire toute les 30 secondes pendant que mes 3 copains se cachaient dans leur chambre, il ne semblait ou ne voulait pas comprendre qu'il nous "gonflait royalement" tellement il était content de causer à quelqu'un pour couper sa vie d'ermite...
Une nuit bien sûr hyper calme, parfaitement isolés du monde et de Ryan mais de peur de nous retrouver avec ce charmant garçon bien capable de venir prendre le petit déjeuner à bord, courage, fuyons! Nous appareillons vers une autre baie située à environ 25 nautiques à l'est , la Kukak Bay ou plus précisémment la Devils Cove. Comme son nom ne l'indique pas, nous trouverons en fait un autre petit paradis. L'arrivée parmi cette multitude de loutres de mer restera un beau souvenir. Nageant sur le dos, le plus souvent en cette saison un petit posé sur leur ventre en phase d'apprentissage maternel de nage et chasse, les sujets de photographie sont adorables.... Il y aura eu aussi les orques, les baleines avec , en arrière plan, les montagnes enneigées et leurs glaciers, les dauphins d'Alaska, un peu moins joueurs que ceux des tropiques avec nos étraves mais plus beaux avec leur corps noirs et blanc, bref des photos et encore des photos qui nous aideront à garder en mémoire tous ces moments magiques.
Et des moments magiques, nous allons encore en vivre cet après midi quand le capitaine que je suis propose une nouvelle excursion à terre afin d'atteindre un nouveau lac mais gigantesque celui ci, d'après les cartes marines. Il se situe à moins d'un kilomètre à vol d'oiseau mais nul doute que le vol d'oiseau devrait se compliquer devant la planimétrie apparente du terrain...Je pressens une petite navigation en zodiac dans la rivière puis une grande cascade que nous devrons escalader avant de penser entrevoir au loin le lac. En fait, ce sera cela, hormis que pour entrevoir ledit lac, il nous faudra une bonne heure de marche à frayer notre chemin dans des sous bois et des herbes hautes comme nous, empruntant puis traversant des chemins d'ours et d'autres bestioles plus grosses...Juste devant nous, immobile, se tient un immense élan, aux bois magnifiques. Notre face à face dure quelques secondes, en tous cas suffisamment longtemps pour que Mireille, en queue de marche, se porte à ma hauteur pour mitrailler de son objectif cette bête splendide qui en deux étapes lentes nous quittera du regard. Nous verrons notre lac après bien des efforts à l'aller comme au retour mais de saumons, point! Nous sommes décidemment trop tôt dans la saison et il nous faudrait encore 15 jours de plus. On s'en fiche! Cela promène ma canne à pêche et dans 15 jours...nous serons sans doute au Canada...Là, ce sera la saison... Retour au zodiac par un autre intinéraire pour échapper aux méandres de la rivière mais pas au dénivellé... Ah... Elle est jolie notre troupe: en file indienne, j'ouvre la marche me fiant seulement à mon sens du terrain car nous "naviguons" pour une fois sans carte; la canne à pêche sur le dos, une arme de poing en main au cas où, je fraye un sentier à coups de bottes tout en soufflant mécaniquement dans mon sifflet une litanie sensée avertir les ours que nous arrivons... Il n'y aurait, parait-il, rien de pire que de les surprendre.... Là, on ne risque rien! Juste derrière, Ambre se bat avec les moustiques: ils sont peu nombreux mais tenaces et la belle en tee shirt a choisi le soleil très fort ce jour (il fait plus de 20 ° C ) plutôt que de sentir comme nous, le phoque! Suit Mireille qui, elle, tout au contraire tend à dissimuler la charmante couleur pourpre de ses joues sous un tas de fringues. Les moustiques, elle, elle n'aime pas! Elle transpire beaucoup Mireille et cela fait bien longtemps qu'elle n'a pas dérouillé sesmembres, ses maux de dos l'en empêchant. Bref! Elle est toute rouge! En arrière garde, Jérémy qui, il y a encore 4 mois était soldat en Afganistan et qui n'a pas perdu ses réflexes de commandos marine pour protéger l'arrière garde de ses copains. La bombe anti ours dans la main gauche et un bois de renne trouvé au sol dans la droite, il ferme la marche du siffleur, de la boutonneuse et de la toute rouge. Retour au Zodiac et vite, on rentre au bateau car nous devons revenir au pied de la cascade où nous avons pu voir à travers cette eau si claire des dizaines d'Halibuts. Ces poissons plats devraient faire le plein de nos ventres au repas de ce soir mais nos 5 lignes ne relèveront rien encore une fois. Il est vrai que nous ne sommes guère patients et que nous ne consacrons que trop peu de temps à la pêche. En mer, Gwen Ha Du est un peu rapide pour une traîne efficace et au mouillage, nous avons toujours tant à faire... On se rattrapera au Canada, il le faut!
Demain, départ pour deux jours de navigation vers une ville, pour changer: Steward. Elle devrait nous permettre de réparer nos soucis informatiques que nous traïnons depuis un bon moment. Ce devrait être aussi une ballade en train pour Anchorage, la plus grande ville d'Alaska et haut lieu mythique des grands rendez vous avec la nature et berceau des reportages animaliers des grands froids. Mais çà, ce sera après un 14 juillet et la sortie de notre grand pavoi en terre américaine....
Commentaires
1 TREM Le 13/08/2013
De retour sur votre blog après un peu d'absence mais je vous jure j'ai tout lu vous pourrez poser les questions que vous voulez à votre retour, je suis prêt.
Merci encore pour ces splendides photos et ce superbe récit. Gaffe aux ours quand même!!!
2 Cathy Le 17/07/2013
Je veux un gros nounours.
Bises à tout l'équipage.
PS: je crois que ta boîte mail a été piratée. Nous sommes un petit groupe d'amis à avoir reçu un message de détresse de ta part écrit avec des formules qui ne semblent pas être les tiennes. Ceci n'est pas une blague, rassurez nous, avez vous besoin de nous ou allez vous plus que bien.
3 annie Le 16/07/2013
On attend avec impatience la suite... Gros bisous
4 Gaby et Maryline Le 16/07/2013
5 GUEMAS Aline Le 15/07/2013
6 Paulette et Michel Le 14/07/2013
Nous aussi, nous faisons de provisions: pas de saumons mais de framboises et de de courgettes et nos "bombes"de défenses sont destinées à des animaux + petits : les fourmis,à chacun son emploi du temps et ses soucis.....!!!! bisous à vous 4
7 Monique et Jean CROCHARD Le 14/07/2013