Le 15 juin 2013
Pouvait on imaginer qu'après ces 9 jours de mer, et à plus de 1300 milles de notre dernière escale nippone, nous arriverions sur une île qui nous procurerait autant de surprises. Il est vrai que nous ne nous étions aucunement renseigné avant de partir, les escales s'enchaînant si rapidement mais nous nous attendions à tout sauf...
Cette navigation s'est très bien passée sur une mer plutôt sympa avec nous et un vent qui ne demandait qu'à nous y emmener. Un soucis toutefois 3jours avant d'arriver: nos deux moteurs ont successivement fait des leurs et comme le vent était à ce moment là quasiment nul... Le premier a subitement décidé de ralentir à 1500 tours et le second de ne plus faire tourner son hélice du tout. Comme tout marin qui se respecte, il a donc fallu se débrouiller en commençant par une investigation sous marine. Quand on a passé, comme moi, une partie de sa vie sous l'eau, une petite ballade à 1.50m de fond ne devrait pas poser gros problème, mais voilà: il se trouve que l'eau en Alaska ne semble pas particulièrement chaude et l'épaisseur de ma combinaison néoprène "made in Pacifique sud" relève plus de l'esthétique que ... Une inspection par caméra gopro fixée à une gaffe me remplacera avantageusement pour cette inspection et nous découvrirons avec effroi un grand sac de jute enroulé autour de la première hélice et un morceau de filet sur la seconde! Il n'y pas ; faut quand même y aller et c'est avec un empressement certain que je délivrerai les 2 moteurs de leurs entraves pour reprendre notre route de plus belle.
Nous n'avons plus aucune nouvelle de Patago, nos amis partis 10 jours avant nous pour cette même destination mais le fenêtre qu'ils avaient empruntée étant si royale, nul doute qu'ils avaient dû filer très vite avec leur monocoque acier de 16 mètres et déjà repartis....
Arrivés à quelques encablures du premier rocher, et comme il est d'usage, nous contactons par VHF(radio) le port d'Attu, espérant trouver un peu de place pour s'amarrer sur l'une des nombreuses jetées apparaissant sur la carte. Avec un peu de chance, les pêcheurs de morue du coin seront suffisamment cools pour supporter quelques touristes dans leur coin perdu...et c'est une voix française qui nous répond aussitôt, voix française que nous reconnaissons de suite comme celle de Alain, notre ami de Patago qui nous attendait. Notre ordinateur nous ayant subitement lâché en pleine mer et 17ème épisode de "LasVegas", nous ne leur donnions plus de nouvelles et ils commençaient à être inquiets, sachant que nous n'étions pas trop du genre à traîner...Pourtant avec une moyenne supérieure à 6 noeuds sur une si longue distance, nous sommes plutôt contents de nous et eux mêmes ne sont là que depuis 4 jours. Connaissant maintenant leur position, nous nous y rendons aussitôt dans une brume qui ne nous a jamais quitté depuis le Japon et sommes très heureux de les retrouver, puis de nous jeter dans le premier petit bistrot du coin et manger un immense steack frites américain, voire même une morue au beurre blanc. Ensuite, ce sera un tour à la laverie car cela fait un bon moment que nous n'avons pas fait de lessive. Eh bien non!
Nous apprenons de la bouche de nos amis que cette île de plus de 60kms de long, cette île stratégiquement importante car la plus près des russes sur une mer réputée très poissonneuse est, contre toute attente, complètement déserte! Habité par les indigènes Aléouts jusqu'à la seconde guerre mondiale, puis réquisitionné par les japonais dés le début du conflit, les américains ont vu là leur seul territoire occupé. Inutile de vous dire qu'ils ont vu rouge, en tous cas suffisamment rouge pour avoir balancé le plus de bombes au m2 de toutes les batailles du Pacifique sans se rendre compte que l'essentiel des troupes nippones étaient déjà rentré chez lui depuis plus d'un mois... Nous découvrons donc une île toute en trous emplis d'eau, la fonte des neiges battant son plein; de la ferraille partout! Des hectares d'engins rouillés, d'abris de tôle, de bidons, de mines et autres vestiges d'une guerre qui nous apparait soudain si proche. Pourtant au milieu de tout cela, une base militaire non activée trône flambant neuf devant une piste d'atterrissage refaite. Contre toute attente, pas un seul garde ou âme qui vive hormis des oies sauvages qui cancanent en nous survolant. Zut, c'est raté pour le restau et il va falloir nous débrouiller pour manger car les vivres commencent à manquer. Pas de soucis nous apprend Sophie, il suffit de faire comme elle et de jeter un hameçon au fond pour en remonter une morue! Aussitôt dit, aussitôt fait et ce sont pas moins de 12 lignes que nous tendons immédiatement avec tout ce que nous trouvons comme appât jusqu'à des petits leurres en plastique ne ressemblant à rien et un morceau de rock fish donné par notre charmante voisine. Il suffit, il suffit... Il s'avère qu'en fait la pêche miraculeuse espérée nous laisse sans jeu de mots sur notre faim ou presque car nous ne remonterons en tout et pour tout que une seule morue de petite taille et 3rock fish, poissons juste bons pour des soupes, mais soupes que nous dégustons tellement notre choix alimentaire est devenu une peau de chagrin...Notre objectif touristique devra donc prendre une option "recherche de bouffe coûte que coûte"! Surtout que si les premières pêches de Sophie se sont montrées miraculeuses, c'est devenu bien loin d'en être encore le cas. Et ce sont 6 estomacs en quête de produits frais qui rivalisent d'ingéniosité pour tenter de se satisfaire! De mon côté, je décide de m'orienter directement vers les fonds marins et mon fusil de chasse. Je suis suffisamment redoutable en apnée dans les mers chaudes, ce devrait bien être pareil version froide. Seulement voilà: il semblerait que l'eau ne se soit pas plus réchauffée que mon néoprène épaissi... Enfin! Quand il faut y aller... Et en bon responsable d'équipage, ce sont les fesses serrées que je m'immerge, bouteille de plongée sur le dos (je sais, en France, c'est interdit: pas de serrer les fesses mais plonger avec fusil et bouteille ensemble. Seulement nous sommes aux US...) A moi les morues! ... Et zut! Le destin s'acharne contre nous :bien campé au fond dans les algues, je me rend compte( toujours les fesses serrées) que je ne vois pas plus loin que le bout de ma flèche! Je remonte aussitôt à bord et il me faudra bien un quart d'heure avant de les relâcher enfin (les fesses toujours...Essayez de suivre!) Un peu dépités mais pas découragés pour autant, nous appnons d'Alain une info importante qu'il tient d'un ami :il y aurait sur Attu des boeufs sauvages! Voilà qui est bon pour nous: Pendant que les filles essaierons de trouver des oeufs de canards ou d'oies sauvages, Jéremy et moi irons chasser le boeuf. Les femmes à la cueillette et les hommes à la chasse comme au temps.... 13kms plus loin et après avoir traversé des plaines, lacs et cascades, (bref! Que des paradis pour boeufs) , force est de constater que l'info est mauvaise ce dont je me doutais car comment imaginer la vie d'un bovin sur cette terre recouverte de 5mètres de neige 10 mois de l'année.... Retour au bercail entre les champs de mines, trous divers et marécages avec seulement 3oeufs de canard découverts juste en arrivant. Espérons que les filles auront plus de chance... Mais non! Elles se sont en fait rabattues vers les coquillages que nous savons peu conseillés de manger en Alaska. De plus, après toutes ces années, subsistent encore des écoulements fétides vers la plage qu'il serait certainement intéressant d'analyser....Bon mais cela ne nous remplit pas le ventre pour autant! Je décide donc de partir seul chasser l'oie sauvage même si mon fidèle 30X30 (fusil pour les non initiés) est loin d'être l'arme idéale... Mes cartouches sont validées spéciales sangliers à terre et pirates en mer... l'oie, elle, est toute petite dans mon viseur et puis...qu'est ce qu'il va en rester de mon oie une fois que je lui aurait collé un tel calibre dans le corps? Le dernier coup de fusil tiré était quelques jours avant notre départ en novembre dernier où j'étais allé chassé un cerf devant notre maison, cerf aussitôt transformé en bocaux dont le dernier vient d'être avalé goulûment il y a deux jours... Par respect pour ma réputation, je n'avouerai jamais, même contre une bonne tarte aux pommes, combien de cartouches j'ai du tirer pour m'en tuer une mais les rochers ont dû se croire revenus en 1943....Visant les têtes pour essayer de garder un peu de viande, c'est finalement en plein buffet que je stopperai la bête, buffet ô combien dégarni quand je soulèverai mon trophée. Tant pis, l'honneur est sauf et heureusement car un super feu de bois nous attend sur la plage. Nous passerons tous les 6 un excellent après midi à grignoter un succulent mélange de morue grillée-patate en papillottes-canard cuit-vin rouge à volonté et, repus, nous déciderons que 2jours, c'est super sympa mais nous avons encore 735 milles en mer de Bering à traverser si nous voulons arriver à Dutch Harbor, premier port d'Alaska où il nous est possible de faire notre entrée aux Etats Unis. Attu, première escale en terre américaine est normalement interdite avant enregistrement et mieux vaut ne pas pousser le bouchon trop loin même si nous pouvons toujours argumenter que nous étions là en escale technique...
Minuit, le vent se lève! Les garçons aussi! Et c'est aux côtés de Patago que nous sortirons de cette magnifique baie "des massacres",après la pointe "du tueur " bordant la rivière "de la paix"... Très rapidement, nous ne verrons plus ses feux de route sur notre arrière. Gwen Ha Du a faim et Mireille aura beau continuer à redoubler d'ingéniosité comme à son habitude pour nous régaler, le riz va bientôt commencer à ne plus guère nous divertir des soupes aux nouilles...
C'est donc reparti pour une petite semaine de mer, mer de Bering réputée pour ses grands calmes plats et ses subits coups de vents glacés! La température dans le bateau alterne entre 6 et 12 degrés, ce n'est pas bien chaud mais même pour un été, cela pourrait être pire; il faudra bien sûr nous rationner en nourriture mais peut être pêcherons nous enfin quelque chose à la traîne... Depuis un bon moment, nos rares touches se sont invariablement transformées en casse de matériel et puis nous naviguons trop vite en général. Qu'importe. Nous avons l'essentiel: le moral !
Commentaires
1 GUEMAS Aline Le 24/06/2013
2 GUEMAS Aline Le 24/06/2013